"I'm not superstitious. I'm a witch. Witches aren't superstitious. We are what people are superstitious of."
- Terry Pratchett
Et non, nous n’en avons pas honte. Nous avons paisiblement laissé les froids Anglais combattre. L'admiration de ce Harry Potter n'a jamais traversé l'océan. Alors qu’ils mettaient de côté un instant leur étrange nourriture et le dépoussiérage de leur château glacial pour s’entretuer, nous avons profité de l’ombre que leur querelle projetait pour nous y cacher. La diversion était bienvenue. Il était grand temps de faire oublier la scandaleuse académie sorcière qui, depuis deux décénnies, alimentait les ragots du monde sorcier. Et dire qu’ils appelaient ça une guerre. Les Anglais n’ont, à l’évidence, jamais mis les pieds à Valverda.
Extrait des Mémoires d’Elliot Thibodeaux, chancelier de la Sorcellerie, 1996-2004
2014. Université sorcière de Valverda, Louisiane. Au cœur de la moiteur du bayou Louisianais, terre de magie sombre et de secrets s’il en est, entièrement cachée de l’œil moldu par les branches tombantes des cyprès, se trouve l’académie magique de Valverda. Cet immense domaine isolé – uniquement accessible en barque à travers les marécages - accueille depuis 1789 les jeunes sorciers de 18 à 25 ans venus des quatre coins du pays afin d’y parfaire leur apprentissage dans ce cadre haut en couleurs.
Pendant longtemps, l’académie n’acceptait que les élèves de sexe féminin, divisées en trois maisons. Néanmoins, dans la deuxième moitié du 20e siècle, sa réputation prit un tel envol qu’elle ne tarda à s’agrandir pour devenir mixte en 1963. La rivalité entre les filles, dans les bâtiments de l’Est, considérant l’université comme leur appartenant, et les garçons, à l’Ouest, à peine venus et se sentant déjà chez eux, se répandit comme traînée de poudre. Lorsque des jeunes gens ayant à disposition une des magies les plus virulentes et vindicatives du monde se prennent d’aversion les uns pour les autres, les dérapages sont fréquents. Cinquante ans plus tard, la querelle, alimentée par des générations de bizutages, d’épreuves initiatiques et de concours clandestins de duels inter-sexes, n’a jamais été plus narquoise, bien que les raisons originelles de cette lutte ont été oubliées depuis quelques décennies. Les amourettes Est-Ouest sont mal vues – mieux vaut les consumer derrière les bosquets à la faveur de la nuit, à l’abri des regards rancuniers.
D’irréprochable, Valverda est devenue sulfureuse.
Que vous vous endormiez à l’Est ou à l’Ouest, les règles sont les mêmes. Ne vous croyez jamais vainqueur. Car, comme le dit le proverbe local, qui rit vendredi pleure dimanche.